Critique de disque. « C’est l’exode du vingt-et-unième siècle ! » L’exode dont il est question dans la cavalcade sonique qui ouvre l’album d’Asian Dub Foundation, c’est celui des parias des années 2000 qui frappent aux portes de la « Fortress Europe ». Les mots d’ADF sont crachés comme des boules de feu : pas d’arrangements, pas de grimaces, comme dirait Zebda, le groupe cousin de ce collectif britannique. Comme les Toulousains, les membres d’ADF passent par le rock, le reggae, le hip hop et les musiques de leurs pays d’origine – ce sont des enfants d’émigrés du sous-continent indien installés dans le Royaume plus ou moins Uni – pour exprimer leurs points de vue. Mais ils le font avec nettement plus de brutalité que les Français. Depuis 1993, se situant dans le droit fil d’une lignée Clash – Specials – Basement 5 – Public Enemy, ADF perpétue plus une manière d’être qu’un genre musical.
Incontrôlable, jouissif et inconfortable, l’esprit de révolte extrêmement aiguisé, ADF livre douze titres vibrant d’une égale intensité. Cependant, jamais il n’oublie de faire de bonnes chansons. Ce n’est pas parce que la rage vous habite que vous ne vous devez pas d’écrire de mémorables mélodies – l’une d’elles bénéficie d’ailleurs de la voix d’or de Sinead O’Connor. Opter pour le réalisateur Adrian Sherwood afin de les mettre en valeur a été le bon choix. Ce laborantin spécialisé dans le reggae s’y connaît en matière d’assemblages rythmiques. Ici, ils sont haletants, parsemés de riffs de guitares corrosifs et de petites touches inventives, qui permettent aux chansons de respirer et aux vocaux d’être audibles. Les insurgés d’Asian Dub Foundation mettent donc une fois de plus le feu aux poudres. Enemy of the Enemy n’ouvrira pas à lui seul la porte de la forteresse Europe aux nouveaux damnés de la terre. Mais ces derniers sont assurés d’avoir trouvé leurs champions.
Michel Doussot
Mis en ligne en 2003 sur routard.com
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