Critique de disque et de film. Il y a à voir et à écouter dans cette passionnante Studio One Story qui comporte un cd et un dvd. Ce dernier supporte un film documentaire dont le personnage principal est Clement « Coxsone » Dodd, mythique parrain de la scène musicale de Kingston-Jamaïca et patron de Studio One – nom qui qualifie aussi bien un lieu d’enregistrement qu’un label et qui, finalement, à son énoncé, a le pouvoir d’une formule magique chez les passionnés de reggae. Voici donc ce fameux Mr. Dodd qui, durant près de trois décennies – grosso modo de 1960 à 1985 – a fait travailler tous les musiciens, chanteurs et arrangeurs ayant compté en matière de ska, rocksteady et reggae roots. Pendant quatre heures, « Coxsone » et quelques-uns des acteurs majeurs de cette aventure (artistes, techniciens, clients des sound systems…) racontent aussi bien les temps forts de l’histoire du reggae que des anecdotes, quelques images d’archives en sus.
Ils répondent à de nombreuses questions posées sur un ton plutôt respectueux et conciliant. À d’autres de faire une enquête plus poussée sur cette grande figure qu’est Dodd – lequel, étant donné son pouvoir, n’a pas du se faire que des amis. À d’autres encore de faire œuvre de cinéma – la réalisation est plutôt plate. Mais, en l’état, la vision de ce film est pourtant indispensable à qui s’intéresse à la musique populaire jamaïquaine et à qui veut comprendre comme a été inventé le son unique et magnifique émanant des enregistrements stupéfiants de Studio One.
Le cd qui accompagne le documentaire fait bien le joint, si l’on peut dire. En quinze titres, il couvre une période de création mirifique ; tous les styles pratiqués chez Studio One y étant présents, jusqu’au dancehall, genre que Dodd a contribué à propulser mais qui fut fatal à la créativité du label. Disque et film renvoient aux compilations Studio One éditées par Soul Jazz, ainsi qu’aux albums que réédite en permanence le label lui-même, ou ceux des Américains anthologistes de chez Heartbeat. Qu’on se le dise : ignorer Studio One c’est comme passer à côté de Blue Note si on aime le jazz, et de Stax ou Motown quand on apprécie la soul et le rhythm’n’blues. Impossible !
Michel Doussot
Mis en ligne en 2003 sur routard.com
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