Interview. EsotErik Satie : ainsi été surnommé le compositeur Erik Satie (1866-1925) par son ami l’humoriste Alphonse Allais. C’est aussi le titre d’un spectacle charmeur conçu par Karin Müller avec la complicité de la pianiste Madeleine Malraux. Cette jeune musicienne de 93 ans, ex-épouse d’André, connaît très bien l’œuvre de l’ermite d’Arcueil qu’elle interprète depuis une soixantaine d’années. Elle joue ici un florilège de ses pièces, tandis que l’excellent comédien François Marthouret dit quelques-uns des textes aussi drôles qu’étonnants, voire étranges, du fantasque compositeur.
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Vous avez commencé à interpréter Satie en 1946, alors qu’il était quelque peu oublié…
Oui, c’était lors d’un concert donné à la galerie de la Pléiade. Je l’avais étudié durant mes études au conservatoire de Toulouse et, dès mon enfance, je l’avais entendu joué par mon père. C’est vrai qu’à l’époque, il était tombé dans un certain oubli, même si certains musiciens continuaient de le considérer à sa juste mesure.
Selon vous, quelle est la meilleure façon d’aborder sa musique ?
Avec simplicité et dépouillement. Il faut établir un rapport intime avec elle, de la même manière que l’on aborde tout ce qui relève du domaine de la poésie. Ce que certains de mes amis ne comprennent pas à mon sens. Ils détestent Satie car pour eux, il n’y a rien à exprimer dans sa musique. Il faut croire que l’on peut jouer d’un instrument et être peu musicien. L’ostracisme dont il est encore souvent victime en France est étonnant alors qu’aux États-Unis, par exemple, il est très apprécié. Cela dit, quand on le joue, on constate que le public est toujours satisfait.
Peut-on parler de minimalisme à son propos ?
Sans doute. Interpréter de telles œuvres, aussi limpides, aussi pures, aussi simples, n’est pas facile. Il est hors de question de faire des ronflonflons. C’est comme pratiquer l’art du bouquet japonais, pour lequel on ne dispose que de cinq ou six fleurs.
Comment se déroule le spectacle ?
Par une série de rapprochements presque imperceptibles. Je joue une pièce puis François Marthouret dit un texte qui appelle une autre œuvre, laquelle évoque un nouveau propos… Le mélange se fait de manière harmonieuse, les liaisons sont gracieuses. Je suis contente de ce spectacle. Il nous fait aimer un homme dont on a tout lieu de croire qu’il fut très malheureux.
Propos recueillis par Michel Doussot
Le 16 décembre. L’Archipel. 17, boulevard de Strasbourg, 10e. Tél. 08 26 02 99 24 (0,14 € la minute). À 20h30. 15 et 20 €.
Parution dans le magazine Paris Capitale, décembre 2007.
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Madeleine Malraux (Toulouse, 1914 – Paris, 2014)
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