Interview. Au service des musiques du temps présent depuis trois décennies, l’Ensemble Intercontemporain convie les spectateurs à deux soirées anniversaires. Fondée par Pierre Boulez, cette formation est de celles qui favorisent l’implication de ses membres – qui sont au nombre de 31. Engagée aux débuts de l’aventure, la flûtiste Sophie Cherrier nous dit depuis son pupitre ce qui fait l’originalité de l’ensemble dont la directrice musicale est actuellement la finlandaise Susanna Mälkki.
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Quels sont pour vous les grands moments qui ont ponctué l’histoire de l’ensemble ?
Les plus forts, ce sont sûrement les créations d’œuvres de Boulez comme Explosante-fixe…, dont les partitions nous parvenaient au fur et à mesure de leur écriture. Nous avons vécu des moments aussi intenses avec Ligeti. Sinon, j’ai des souvenirs de concert exaltants. Il y a eu par exemple celui que nous avons donné à Los Angeles, devant un public en jeans et baskets qui manifestait son enthousiasme avec une grande vitalité !
L’ensemble défend-il une esthétique particulière ?
Il serait difficile de la définir. Disons que nous jouons beaucoup de compositeurs vivants et les grands classiques du 20e siècle. Le domaine est vaste ! Maintenant, il est certain que Pierre Boulez a laissé une empreinte très forte. Mais chaque directeur fait bouger les lignes. Ainsi, à l’époque de David Robertson, nous avons interprété plus de minimalistes américains qu’à d’autres périodes.
Comment s’effectue la sélection des œuvres ?
Les directeurs musical et artistique, ainsi que l’administrateur général, décident des thèmes sur lesquels nous allons travailler. De leur côté, les organisateurs, comme la Cité de la Musique, nous font des propositions. Mais nous, membres de l’ensemble, avons aussi notre mot à dire, notamment pour les concerts que nous présentons en tant que Solistes de l’Intercontemporain. Certains d’entre nous ont d’ailleurs la possibilité de faire jouer leurs propres œuvres.
Quelles qualités faut-il pour faire partie d’une formation comme la votre ?
Il convient d’avoir de solides bases classiques, car les compositeurs que nous interprétons ne font pas dans la facilité. Il nous faut explorer toutes les capacités de notre instrument, parfois aller au-delà des limites connues. C’est souvent « sportif » ! Cela dit, on est payé de retour. Du point de vue artistique, mais aussi sur le plan humain, car ce qui est formidable c’est que nous formons un vrai groupe. Il n’y a pas chez nous de querelles d’ego. Sans doute parce que nous sommes tous solistes et qu’à ce titre, nous pouvons pleinement nous exprimer, tout en ayant le sentiment de bâtir quelques chose tous ensemble.
Propos recueillis par Michel Doussot
Le 23 mars : « La Nuit de l’Ensemble ». Œuvres de Herrmann (création), Dalbavie, Lindberg, Fedele. Centre Georges Pompidou, 4e. Tél. 01 44 78 12 33. À 20h30. 10 et 14 €. Le 5 avril : « La Nuit des solistes ». Œuvres de Boulez, Ligeti, Pintscher, Manoury, Stroppa (création), Fujikura (création), Spiropoulos (création). Ircam. 1, place Igor Stravinsky, 4e. Tél. 01 44 78 12 40. À 20h30. 10 et 14 €.
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Parution dans le magazine Paris Capitale, mars 2007.
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