« Il allait enfin paraître sur le théâtre des grandes choses… »
Dossier. Le Rouge et le noir est un des chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Ce dossier vous dit tout ou presque sur ce roman d’initiation de Stendhal.
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Sommaire
- Le contexte politique
- Le contexte social
- L’auteur
- Le titre
- L’intrigue
- Un roman social
- Un roman d’amour
- Les principaux personnages
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Le contexte politique
D’UNE RÉVOLUTION L’AUTRE
La Restauration
1815. Napoléon Ier est défait à Waterloo, l’empereur abdique pour la deuxième fois. Le roi Louis XVIII retrouve le trône qu’il a quitté cent jours plus tôt, la France est occupée par des armées étrangères. C’en est définitivement fini de la Révolution et de l’Empire pense-t-on du côté des nobles qui se sont réfugiés à l’étranger durant une vingtaine d’années. Leur retour signifie pour eux la restauration de l’Ancien Régime. S’opposant à ceux qui s’arrangèrent de la Révolution et de l’Empire en restant sur place, les Émigrés espèrent prendre leur revanche. Ils veulent récupérer leurs biens vendus aux bourgeois et aux riches paysans, le rétablissement des privilèges et le retour à un catholicisme d’avant 1789. Louis XVIII ne suit pas cette voie. En octroyant dès le début de son règne la Charte constitutionnelle (1814), il garantit les principales libertés publiques et de culte acquises. Le pouvoir exécutif appartient au roi, deux chambres sont créées : celle des pairs nommés par le roi à titre viager ou héréditaire et celle des députés élus au suffrage censitaire. Après une période de Terreur blanche et une série de règlements de compte à haut niveau, le règne de Louis XVIII se déroule au rythme de mesures tantôt libérales, tantôt ultra. Lorsqu’il décède en 1824, son frère cadet monte sur le trône.
L’intrigue de Le Rouge et le noir se déroule durant le règne de Charles X
Charles X mène une politique réactionnaire qui va, six ans durant, réactiver les forces révolutionnaires, bonapartistes et libérales. Les ultras de l’aristocratie et de l’Église se déchaînent : on cherche à écarter les bourgeois de la Chambre des députés, on limite la liberté de la presse, l’Église s’empare de l’université, on fait planter des croix dans tout le pays, le sacrilège anti catholique est sévèrement puni, on prévoit de rétablir le droit d’aînesse, etc. Quand la Chambre demande le respect de la Charte et défie ainsi le ministère ultra de Polignac, le roi la dissout. En vain : après de nouvelles élections, l’opposition se retrouve renforcée. Le 26 juillet 1830, Charles X promulgue des ordonnances qui s’apparentent à un coup de force : nouvelle dissolution, droit de vote restreint, censure de la presse. Le lendemain commencent les Trois glorieuses.
La Révolution de 1830
La presse d’opposition appelle à l’insurrection, les Parisiens repoussent les forces de l’ordre durant trois journées. La République va-t-elle être proclamée ? Non, car les modérés comme Thiers et Lafayette, ainsi que l’inusable Talleyrand, n’attendaient que cette occasion pour lancer sur le devant de la scène le duc d’Orléans. Ce dernier prête serment sur la Charte, qui est libéralisée, et devient Louis-Philippe Ier, roi des Français. Pendant dix-huit ans, la France sera une monarchie constitutionnelle. Celle-ci installera définitivement la prédominance de la bourgeoisie. Sa politique dite du « juste milieu » prendra fin en 1848, après une nouvelle révolution qui donnera naissance à la IIe République puis au Second Empire.
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Le contexte social
UNE SOCIÉTÉ FRAGMENTÉE
Le Rouge et le noir offre un tableau précis du paysage social de son temps. La trajectoire de Julien Sorel part de la terre nourricière pour aller jusqu’aux lambris des palais, en passant par le confort bourgeois, le séminaire et la caserne. Jeune homme du peuple, fils d’un charpentier comme Jésus, c’est un innocent qui adhère aux rêves issus de la Révolution et de l’Empire. Dans le tumulte des idées nouvelles et des conquêtes napoléoniennes, nombreux sont les ambitieux qui ont connu une ascension sociale fulgurante, à commencer par Bonaparte, figure mythique qui enflamme des milliers de Julien Sorel au début du XIXe siècle. Or, durant les quinze années de la Restauration sont nées de grandes frustrations. Le régime réactionnaire de Charles X a particulièrement étouffé les aspirations des jeunes âmes.
Au sommet, les grands aristocrates tiennent le pouvoir politique. L’Église a renforcé son emprise sur les esprits et se transforme en police des convenances religieuses et sociales. Au coude à coude, la petite noblesse embourgeoisée et la bourgeoisie constituée de propriétaires, de commerçants, de manufacturiers, de professionnels libéraux et de paysans enrichis assoient leur domination. En bas, les « classes inférieures », la majorité des Français, se composent principalement de petits paysans, mais aussi d’artisans et d’ouvriers.
Passer d’une classe à l’autre signifie que l’on s’est significativement enrichi. Réussir par son mérite étant rarissime, restent alors peu d’occasions de s’élever. L’Église et l’armée offrent cette opportunité. Entrer au séminaire garantit qu’au pire, on sera curé de campagne et que l’on pourra manger à sa faim. S’engager dans l’armée, représente également l’assurance d’un minimum vital et, pour peu que l’on suive la voie tracée, qui sait si l’on n’acquerra pas du galon et une position enviable, l’aventure en plus.
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L’auteur
QUI EST STENDHAL ?
Stendhal, alias Henri Beyle, est l’un des principaux fondateurs de la littérature moderne française du XIXe siècle, aux côtés d’Honoré de Balzac, Victor Hugo et Gustave Flaubert.
1783. Louis XVI règne à Versailles lorsque Henri Beyle naît le 23 janvier à Grenoble. Il a 7 ans quand il perd sa mère adorée. Élevé par une tante très religieuse, il étouffe et se console auprès de son grand-père des mauvais rapports qu’il entretient avec son père magistrat. L’enfant se réjouit quand ce dernier est arrêté par les révolutionnaires en 1793 et lorsque Louis XVI est guillotiné…
1800. Ambitieux, Henri arrive à Paris pour se présenter au concours de l’École Polytechnique au lendemain du coup d’État du 18 brumaire. Il ne le passera pas. Entré au ministère de la Guerre, il participe à la deuxième campagne d’Italie menée par le Premier Consul Bonaparte, avec le grade de sous-lieutenant de cavalerie. Il sera agent de liaison.
1802. Il quitte l’armée et rejoint Paris où il compte devenir écrivain. Il espère, en vain, terminer une comédie.
1805. Après avoir travaillé dans une maison de commerce à Marseille, il devient fonctionnaire impérial en Allemagne.
1810. De retour à Paris, il triomphe dans la haute administration. Ce dandy rondouillard est un jouisseur plein d’esprit qui brille dans les salons. Il entretient une liaison avec Angela Pietragrua, qui sera la grande affaire de cœur de sa vie.
1814. Napoléon Ier perd son trône. Henri Beyle, qui a vécu la retraite de Russie en 1812, est à présent un demi-solde comme beaucoup d’autres vétérans. Il provoque un scandale en commettant un plagiat, puis part s’installer à Milan par amour pour Angela. L’Italie le fascine, c’est un pays auquel il consacrera plusieurs essais – sur Rome, Naples et Florence, la peinture -, qu’il signe du nom de M. de Stendhal.
1818. Il défend son idée du romantisme, plus latine qu’allemande. Écrit à la suite d’une grande passion, son essai De l’amour est un échec en librairie (1822). Après s’être fait le biographe de Racine et Shakespeare, il obtient enfin un succès avec une Vie de Rossini en 1823.
1827. Le roi Charles X règne quand Stendhal – expulsé par les Autrichiens de Milan – écrit Armance, son premier roman, puis la nouvelle Vanina Vanini en 1829.
1830. Parution de Le Rouge et le noir quelques mois après la Révolution. Sur sa demande, l’administration mise en place par Louis-Philippe lui offre un poste de diplomate. Il est nommé à Civitavecchia, dans les États pontificaux, mais ne devient pas consul à Trieste comme il l’espérait. Bien que désabusé, il continue d’écrire pour contrer l’ennui qui l’accable. Lucien Leuwen et De l’égotisme ne seront publiés qu’après sa mort.
1839. Stendhal continue de publier des essais et des romans dont La Chartreuse de Parme, livre écrit en cinquante-deux jours. S’il ne se vend pas plus que les autres, il fait l’admiration de lecteurs comme Balzac, lequel clame que l’ouvrage est « sublime ».
1842. Le 22 mars, Stendhal meurt d’une crise d’apoplexie avant d’avoir terminé Lamiel, son dernier roman. La renommée de l’écrivain ne viendra que vingt ans après sa mort.
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Le titre
UNE ÉNIGME
Le titre de ce deuxième roman écrit par Stendhal reste énigmatique. Évoque-t-il les deux couleurs de la roulette, symbole du jeu de hasard auquel se livrerait Julien Sorel ? S’agit-il du rouge révolutionnaire ou de celui de l’uniforme militaire côtoyant le noir de la prêtrise et de la bourgeoisie contrites ? Le rouge du sang, donc de l’énergie, s’oppose-t-il au noir du même sang séché après la mort, allusion à la conclusion du livre ? Ou bien le rouge de la confusion des sentiments précède-t-il le noir du deuil de l’amour ?
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L’intrigue
À PARTIR D’UNE HISTOIRE VRAIE
L’histoire relatée dans Le Rouge et le noir a été inspirée à Stendhal par un fait divers réel qui s’est déroulé dans la région de Grenoble en 1827. Le jeune Antoine Berthet, fils d’un pauvre artisan, a les faveurs de son curé. Il entre au séminaire mais, pour raisons de santé, en ressort afin de devenir le maître des enfants Michoud. Chez ces bourgeois, il se fait aimer de la maîtresse de maison âgée de 36 ans. Après un autre passage par le séminaire, il trouve une nouvelle place de précepteur chez M. de Cordon où il a encore une affaire de cœur, avec la fille de la maison cette fois. Renvoyé, aigri, il se venge en tirant un coup de pistolet contre Mme Michoud au cours d’une messe. Il est par la suite condamné à mort et guillotiné.
LE RÉCIT IMAGINÉ PAR STENDHAL
1826. Julien Sorel, jeune homme pauvre mais lettré – grâce à l’abbé Chélan, humble curé de village -, est engagé par M. de Rênal qui est le maire de Verrières, petite ville située dans le Doubs, en Franche-Comté. Julien cache à cet aristocrate ses opinions bonapartistes. On lui confie la charge de l’éducation de Stanislas, le fils chéri de Louise de Rênal. Plus âgée que Julien, Louise la pieuse s’éprend de ce jeune homme. Leur idylle secrète est mise en péril par les dénonciations émanant des Valenot, bourgeois jaloux du prestige des Rênal, ainsi que par la maladie subite de Stanislas, laquelle est comprise comme une punition divine par Louise.
Louise rejette Julien qui rejoint le séminaire de Besançon pour entamer une carrière d’ecclésiastique. Julien y flatte les opinions jansénistes du bienveillant père supérieur, l’abbé Pirard, ce qui lui permet de s’isoler de ses camarades, pauvres comme lui, qu’il trouve médiocres. L’abbé Filair, un jésuite ennemi de Pirard, prend la place de ce dernier, lequel enjoint Julien à le suivre dans son exil parisien auprès de son protecteur, le marquis de La Mole. Après une dernière visite auprès de Louise, Julien part pour la capitale.
Présenté par l’abbé Pirard, Julien séduit le marquis et devient son secrétaire particulier. Une fois de plus, il met de côté ses opinions et participe aux complots du marquis. Il fait la connaissance du « grand monde », devient l’ami d’Altamira, un flamboyant aventurier italien, et conquiert avec difficulté le cœur de la fille du marquis, Mathilde de La Mole. Brisant les tabous, Julien et Mathilde vont se marier avec le consentement contraint du marquis.
Nommé lieutenant des hussards à Strasbourg en attendant d’être anobli, Julien apprend que Louise a envoyé une lettre le présentant comme un coureur et un profiteur. Fou de rage, il caracole en direction de Verrières. Dans l’église, durant la messe, il tire deux coups de feu contre Louise. Blessée, cette dernière tente cependant de sauver Julien, avec la complicité de Mathilde. Le jeune homme réalise qu’il n’a aimé que Louise. Il refuse tous les arrangements qu’on lui propose. Au cours du procès qui se tient à Besançon, il attaque le jury constitué de notables et plus largement le régime politique. Condamné à mort, il ne demande pas grâce et est exécuté en juillet 1830, au moment où éclate la Révolution à Paris.
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Un roman social
L’ASCENSION SOCIALE D’UN JEUNE « INFÉRIEUR »
En entrant au service de la famille de Rênal, petits nobles enrichis, Julien Sorel le fils d’artisan instruit devient un domestique, l’égal de la bonne Élisa. Pétri de mythologie bonapartiste et donc d’un certain esprit égalitariste mêlé d’arrivisme, Julien se sent au moins l’égal des Rênal et fuit les avances d’Élisa. Son début de réussite sociale auprès de prestigieux notables suscite l’incompréhension de ses frères comme celle d’Élisa.
La situation étant bloquée chez les Rênal, Julien reprend son ascension sur le versant religieux, dans un séminaire. Séduit, le père supérieur de ce dernier favorise l’entrée du jeune homme au cœur même de la haute noblesse parisienne. Le marquis de La Mole offre l’accueil le plus chaleureux qui soit au jeune homme. Mais quand Julien transgresse une fois de plus les conventions sociales en voulant épouser Mathilde de La Mole, il est condamné à expier ce sacrilège. Un passage rapide par l’armée ne suffit pas à conforter sa nouvelle position.
Trop haut, trop vite : plus dure sera la chute. Son procès le ramène à sa condition première. Bien que Julien soit jugé pour un crime, c’est sa subversion des conventions sociales qui est condamnée à mort.
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Un roman d’amour
LA CONFUSION DES SENTIMENTS
Comme Stendhal, Julien Sorel n’a plus de mère. Au début du roman, il vit chichement dans la forêt, entouré de son père et de ses deux rustres de frères. Entré au service des Rênal, il repousse les avances de la bonne Élisa. L’idée même d’aimer cette dernière est inconcevable pour Julien, cette idylle le ramènerait à sa condition inférieure. L’amour partagé par Louise de Rênal et Julien est empreint de romantisme. Il est impossible à vivre sereinement. En raison de la différence d’âge des deux amants, mais aussi parce que Louise est mariée et très respectueuse des conventions sociales et religieuses. Après leur rupture, les deux amants se confortent dans l’idée que seule une amitié sincère leur sera bénéfique. Profondément marqué par ce premier amour, Julien fait face aux effets de la passion exacerbée que lui porte l’aristocrate Mathilde de La Mole. Il en joue et fait finalement plier cette fière beauté. Mais au final, son cœur penche en direction de Louise, unique objet d’un amour considéré comme pur.
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Les principaux personnages
UNE GALERIE DE CARACTÈRES
Julien Sorel
Pauvre sans être misérable, Julien rejette son milieu. Il travaille dans la scierie de son père qui ne l’aime pas. Il considère ses deux frères comme des imbéciles. Ambitieux et innocent à la fois, Julien lit et relit le Mémorial de Sainte-Hélène récit de la carrière de Napoléon écrit par Emmanuel de Las Cases, ainsi que la philosophie de Rousseau. Tournant le dos à ses convictions, mais n’en pensant pas moins, il monte les échelons de la société. Privé de mère, il s’éprend de ce modèle d’amour maternel qu’est Mme de Rênal.
Tout l’art de Stendhal consiste à brouiller les pistes. Julien est-il un arriviste ? Une victime des conventions ? Après s’être mis en situation d’atteindre le sommet de la société en épousant Mathilde de La Mole, il revient brutalement aux fondements même de son caractère en soufflant sur ce qui s’avère être un château de carte. La chute est d’autant plus terrible que sa belle âme pure s’est dissout peu à peu en ne résistant guère aux attraits de la réussite sociale.
Il est singulier de constater que c’est à l’occasion de fuites successives que Julien gravit les échelons de la société – de chez son père, de chez les Rênal, du séminaire – et que la seule fois où il va de l’avant, c’est pour aller commettre un crime qui lui sera fatal. Même chose pour ses amours, c’est en grimpant à des échelles qu’il rejoint ses maîtresses. Malgré lui, Julien n’atteint ce qu’il veut que par effraction. Ce solitaire est toléré par tous, il n’est accepté par personne. Même Louise, inconsciemment, le relègue dans un cagibi au cours de leurs amours enflammées (une situation vécue par Stendhal). Surpris lors de leur dernière nuit d’amour, il s’enfuit comme un voleur.
Madame de Rênal
Mariée très jeune, Louise de Rênal ne chérit qu’un seul être lorsque apparaît Julien Sorel : Stanislas, son fils unique. Pieuse, comme toutes les femmes de la bonne société de province, elle ne comprend pas les sentiments qui la poussent dans les bras de Julien. Découvrant l’amour avec retard, elle vibre de la même passion que Julien, aussi novice qu’elle en la matière. Peu à peu, elle réalise dans quel carcan social elle vit. Lorsque des lettres anonymes viennent compromettre sa liaison, elle se défend ardemment. Mais reprise par la religion à la suite de la maladie de son fils, elle repousse Julien. Influencée par son confesseur, elle écrit une lettre infâme quand elle apprend le projet de mariage de Julien et de Mathilde. Frappée par les coups de feu vengeurs de Julien et par sa vilenie, elle affiche finalement sa passion, se fichant éperdument des conséquences que suscitera cette attitude au moment où Julien risque la mort. Son amant exécuté, elle le suit de peu dans la tombe.
Mathilde de La Mole
C’est une jeune enflammée, une romantique fascinée par son ancêtre qui fut l’amant de Marguerite de France (qui sera l’héroïne de La Reine Margot d’Alexandre Dumas en 1845) et mourut sur l’échafaud à cause de sa passion. Mathilde le vénère et c’est près de sa tombe qu’elle tombe amoureuse de Julien. Chérie par son père, lettrée, prétentieuse mais pleine de vie, elle finit par séduire Julien au cours d’une guerre amoureuse digne des romans du XVIIIe siècle. Elle acquiert finalement une simplicité d’âme identique à celle de son innocent Julien. Dans la tourmente finale, elle reste fidèle à ce dernier, alors qu’il lui signifie sa passion pour Louise. Enceinte de Julien, elle récupère la tête du condamné afin de lui vouer un culte égal à celui que la « reine Margot » voua à son prestigieux ancêtre.
Les prêtres
Stendhal n’en donne pas une image très brillante. La description du séminaire est effrayante, Julien n’y est entouré que de vils apprentis prêtres qui ne pensent qu’à leur ventre. L’auteur fait cependant la distinction entre les courants janséniste et jésuite. Le premier est personnalisé par les abbés Chénan et Pirard, hommes simples fascinés par l’ardeur et l’innocence de Julien. Cependant, ils sont clairement identifiés comme les gardiens des convenances morales et sociales de la Restauration. Le pouvoir de leur humanité ne dépasse pas le stade de la bienveillance envers Julien. À l’opposé, l’abbé Frilair est un jésuite montré comme un être obséquieux et intrigant, se servant de la religion au lieu de la servir. Quand à l’évêque d’Agde, c’est un jeune aristocrate qui affiche l’arrogance de sa classe. Son statut n’est pour lui qu’un rôle à tenir dans le jeu social.
Les possédants
Le bourg de Verrières est le théâtre d’une lutte entre le maire, M. de Rênal, petit aristocrate qui se comporte comme un bourgeois obsédé par le profit, et Valenot, un bourgeois qui veut s’anoblir. Ils semblent ridicules lorsqu’on les compare au marquis de La Mole, grand aristocrate parisien que Stendhal nous dépeint plein d’esprit, généreux et pas dupe de son prestige. Il paraît que ses affaires et ses complots font partie de la vie courante, son unique passion étant sa fille. Il aime certainement Julien en raison de sa maladresse à entrer dans les jeux cyniques de l’ambition. Le noblesse de naissance rejoint ici la noblesse de cœur.
Les amis de Julien
Il sont deux. L’un est Fouqué, camarade d’enfance de Julien qui pratique le commerce du bois. Il est plein de bon sens et de générosité. Avec lui, Julien partage des conversations durant lesquelles leurs opinions progressistes ont libre cours. Fouqué admire le parcours de Julien mais sans le faire sien. Il restera fidèle à Julien jusqu’au bout. À Paris, Julien se fait un autre ami, le comte Altamira, qu’il rencontre à l’occasion d’un duel concluant une affaire d’honneur. Aventurier au passé chargé, il est suffisamment libre d’esprit et riche pour pouvoir être lui-même. Julien, comme Mathilde, l’admire et suit ses recommandations en matière de conquête amoureuse. Il est vrai qu’il faut les conseils d’un homme d’armes afin d’abattre les défenses de la fière Mathilde. Lui aussi reste fidèle à Julien. En apparence, tout oppose Fouqué et Altamira. En réalité, ils représentent les deux faces du caractère de Julien, la pureté des sentiments et l’esprit combatif.
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Michel Doussot
Parution dans le magazine Téléscope à l’occasion de la diffusion sur TF1 du téléfilm Le Rouge et le noir de Jean-Daniel Verhaeghe (1997). Avec Kim Rossi Stuart (Julien Sorel), Carole Bouquet (Louise de Rênal), Bernard Verley (M. de Rênal), Judith Godrèche (Mathilde de La Mole), Claude Rich (marquis de La Mole), Rüdiger Vogler (abbé Pirard)…
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